
Si Gilles Deleuze ouvre son diptyque consacré au cinéma, constitué de L’Image-mouvement et de L’Image-temps, en insistant sur le fait qu’il n’écrit pas ici une « histoire » du septième art mais plutôt « une taxinomie, un essai de classification des images et des signes », il a souvent été souligné combien c’est un événement historique qui paraît servir d’articulation entre les deux tomes et les régimes d’images correspondants. C’est la Seconde Guerre mondiale, en effet, qui semble marquer le passage entre l’« image-mouvement » et l’« image-temps », malgré les déclarations d’intention du philosophe. L’hésitation que l’on peut mettre au jour entre taxinomie et histoire dans le diptyque est loin d’être anodine, puisqu’elle en perturbe profondément l’économie générale. Revenant aux sources théoriques et filmiques de la pensée de Deleuze, cet ouvrage cherche à interroger l’affirmation d’une rupture de l’« histoire » du cinéma se produisant avec la Seconde Guerre mondiale, et à déterminer le type d’histoire dont il s’agit dans ce cas ici. En son centre, se trouve l’idée d’une compromission du septième art dans la propagande, particulièrement celle du régime nazi dont la fusion avec sa propre mise en scène nous laisserait, selon Hans-Jürgen Syberberg et Deleuze après lui, aux prises avec un Hitler comme « cinéaste ». Un « mythe négatif » du dictateur, dont l’ombre porterait après-guerre sur l’ensemble des images filmiques, qui s’avérera être aussi, en définitive, celui du cinéma dit « moderne ».
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Italiano -
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Sull'autore
Stanislas de Courville
Stanislas de Courville est docteur en philosophie (Université Lyon 3) et membre associé des laboratoires IRPhiL (Lyon 3) et ESTCA (Paris 8). Spécialiste en esthétique et théorie du cinéma, ses recherches portent sur la pensée deleuzienne du septième art, la théorie benjaminienne de la modernité et de son « choc », le cinéma soviétique et post-soviétique, les débats autour du cinématographe dans le Symbolisme russe de l’Âge d’argent et l’influence de ce mouvement sur les réalisateurs soviétiques des années 1920, l’historicité de la perception et le cinématisme dans la littérature du XIXe siècle. Il est actuellement chargé de cours auprès de l’Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis où il enseigne l’histoire, la théorie et l’esthétique du cinéma. Dernièrement, il a codirigé avec Mauro Carbone (Lyon 3) le dossier « La guerre a eu lieu » du numéro 25 de la revue trilingue Chiasmi International (2024), ainsi que l’ouvrage collectif Cinéma du corps, cinéma du cerveau. Deleuze aux frontières de la spectatorialité (2024), avec Jacopo Bodini (Lyon 3) et Marie Rebecchi (Aix-Marseille).